95

Vous ne priez pas

mélodie

[musical score]
96 bars
voice and piano

Poem: Jean-François-Casimir Delavigne (1793–1843), poet and dramatist. L’Âme du Purgatoire, in Œuvres complètes, Paris, 1855, t. VI, p. 211–15, written in Venice in 1827. Bizet set stanzas 1, 3 and 8 of Delavigne’s eight stanzas.

Mon bien-aimé, dans mes douleurs,
Je viens de la cité des pleurs,
Pour vous demander des prières.
Vous me disiez, penché vers moi :
« Si je vis, je prierai pour toi. »
Voilà vos paroles dernières.
Hélas ! hélas !
Depuis que j'ai quitté vos bras,
Jamais je n'entends vos prières.
Hélas ! hélas !
J'écoute, et vous ne priez pas !
Combien nos doux ravissements,
Ami, me coûtent de tourments,
Au fond de ces tristes demeures !
Les jours n'ont ni soir ni matin ;
Et l'aiguille y tourne sans fin,
Sans fin, sur un cadran sans heures :
Hélas ! hélas !
Vers vous, ami, levant les bras,
J'attends en vain dans ces demeures !
Hélas ! hélas !
J'attends, et vous ne priez pas !
« Puisse au Lido ton âme errer, »
Disiez-vous, « pour me voir pleurer ! »
Elle s’envola sans alarme.
Ami, sur mon froid monument
L’eau du ciel tomba tristement,
Mais de vos yeux, pas une larme.
Hélas ! hélas !
Ce Dieu qui me vit dans vos bras,
Que votre douleur le désarme !
Moi seule, hélas !
Je pleure, et vous ne priez pas.
Quand mon crime fut consommé,
Un seul regret eût désarmé
Ce Dieu qui me fut si terrible.
Deux fois, prête à me repentir,
De la mort qui vint m’avertir
Je sentis l’haleine invisible.
Hélas ! hélas !
Vous étiez heureux dans mes bras.
Me repentir fut impossible.
Hélas ! hélas !
Je souffre, et vous ne priez pas.
Souvenez-vous de la Brenta,
Où la gondole s’arrêta,
Pour ne repartir qu’à l’aurore ;
De l’arbre qui nous a cachés,
Des gazons... qui sont penchés,
Quand vous m’avez dit : « Je t’adore. »
Hélas ! hélas !
La mort m’y surprit dans vos bras,
Sous vos baisers tremblante encore.
Hélas ! hélas !
Je brûle, et vous ne priez pas.
Rendez-les-moi, ces frais jasmins,
Où, sur un lit fait par vos mains,
Ma tête en feu s’est reposée.
Rendez-moi ce lilas en fleurs,
Qui, sur nous secouant ses pleurs,
Rafraîchit ma bouche embrasée.
Hélas ! hélas !
Venez m’y porter dans vos bras,
Pour que j’y boive la rosée.
Hélas ! hélas !
J’ai soif, et vous ne priez pas.
Dans votre gondole, à son tour,
Une autre vous parle d’amour ;
Mon portrait devait lui déplaire.
Dans les flots son dépit jaloux
A jeté ce doux gage, et vous,
Ami, vous l’avez laissé faire.
Hélas ! hélas !
Pourquoi vers vous tendre les bras ?
Non, je dois souffrir et me taire.
Hélas ! hélas !
C’en est fait, vous ne prîrez pas.
Adieu ! je ne reviendrai plus
Vous lasser de cris superflus,
Puisqu'à vos yeux une autre est belle.
Ah ! que ses baisers vous soient doux !
Je suis morte, et souffre pour vous !
Heureux d'aimer, vivez pour elle.
Hélas ! hélas !
Pensez quelquefois dans ses bras
A l'abime où Dieu me rappelle.
Hélas ! hélas !
J'y descends, ne m'y suivez pas !

Composition: by 1872. The song first appeared in the collection Vingt Mélodies, 1873. At first Bizet entitled the song L’âme en purgatoire.

Autograph score: F-Pn MS 468, Malherbe bequest. 30-stave paper, 350 x 267 mm., 2 f. (title page, 2 p. of music, blank) in C minor.
Printed scores:
1

Choudens, 265, rue St Honoré, as no. 7 in Vingt Mélodies, 1873, in two keys. The higher key is D minor.

2

Choudens, père et fils, 265, rue St Honoré, pl. no. A.C. 4949 (high key), A.C. 4950 (low key), 5 p., c. 1880. F-Pn Vm7 32726 (1–2)(stamped 1880), F-Pn Ac.m.2041 (high key), GB-NWm (high key), GB-Ob (high key).

3

Sonzogno, Milan, pl. no. 7616-7617, 7 p., c. 1888. As Tu non preghi più, in Italian, in two keys. I-Mc.

4

Schirmer, New York, in Vocal album: thirty-one songs: Volume I, in two keys, in French and English (translated by Eugene Oudin). US-NYp, US-BEm. IMSLP.

5

Hansen, Copenhagen, pl. no. 12384, 9 p., 1898, in Swedish, French and Danish. D-B.


Dedicatee: Julie Lalo, née Bernier de Maligny (1843–1911), singer of Breton origin who married Édouard Lalo in 1865, mother of the critic Pierre Lalo.
Performance:
Discography:
Bibliography: